dimanche 27 mars 2011

Que la Force Libanaise soit avec toi


"Est-ce un oiseau ? Est-ce un avion ?" se demandait le jeune étudiant en échange devant cet étrange drapeau par ce matin de février. Et non, c'était une Force Libanaise. L'une d'entre elles. Encore. Elles étaient là, elles veillaient, elle observaient, l'affût, le badaud désoeuvré et le commerçant de passage. Elles guettaient les rues, prêtes.
Se drapant de courage et de fierté virile, l'étudiant en échange se leva, monta sur une borne proche et, avec la verve d'un tribun de la plèbe aux temps des antiques Latins, harangua la foule :

" Mes bien chers frères, mes bien chères soeurs, le temps est venu. Ici et maintenant, sur ce blog et solennellement, je vais enfin vous apporter la réponse à la question que vous vous posez depuis tant de temps. Il faut que le peuple sache, il faut que la Lumière lui soit apportée, pour que plus jamais personne n'ait à se demander : "Mais c'est quoi, au juste, les Forces Libanaises ?"

Notre histoire commence, et vous serez d'accord avec moi, ce n'est pas très original, avec un jeune politicien plein d'ambitions. Nous sommes en 1976, et le Liban ne va pas très fort. Depuis un an, le pays connaît l'explosion que vous savez, tiraillé entre la question palestinienne cristallisée par les accords du Caire de 1969, les tensions inter-communautaires et l'opposition politique entre le Front Libanais et le Mouvement National.
Notre jeune politicien, Bachir Gemayel, est issu d'une "grande famille" maronite et politique. Son père, Pierre, est notamment le fondateur d'un parti politique puissant parmi le Front Libanais, les Phalanges ou Kataëb. Ces Phalanges tiennent le haut du pavé dans la lutte entre le Front Libanais et le Mouvement National, qui se centre peu à peu sur la question palestinienne, les deux groupes étant également appelés "palestino-progressistes" ou "palestino-musulmans" et "bloc chrétien".
Cependant, alors que le Mouvement National dispose d'une relative centralisation de ses forces armées dans les fedayins et les miliciens "musulmans", le Front Libanais comporte quant à lui de nombreux corps de miliciens. C'est dans le but de mettre ces milices en ordre que les Forces Libanaises sont créées en 1976, en tant que bras armé des Phalanges et du Front Libanais, sous l'égide de Bachir Gemayel et d'autres leaders chrétiens, membres de divers partis et groupements du Front Libanais, par exemple le Parti National Libéral, les Gardiens du Cèdre et, dans un premier temps, s'allie avec la brigade Marada, représentante d'une autre grande famille maronite (les Frangié), qui se désolidarisera des FL quand celles-ci se rapprocheront du "voisin du Sud" israélien.

Ainsi, pendant la guerre, les FL deviennent le principal belligérant "chrétien" au Liban. Incident majeur, l'assassinat de Bachir Gemayel après son élection à la présidence de la République en 1982, qui galvanise les troupes des FL et, d'après le cinéaste Ari Folman, déclenche les massacres de Sabra et Chatila. "Ce gars là, fait dire le cinéaste à l'un de ses personnages à propos de Bachir Gemayel, il était pour eux ce que David Bowie était pour moi. La star, l'idole, le pacha. (...) Leur idole allait monter sur le trône et nous [les israéliens] on allait l'y installer. Et le lendemain, le voilà qui se fait tuer. C'était clair qu'ils allaient venger sa mort dans le sang. (...) Une affaire d'honneur familial, ça remuait profond" (Valse avec Bachir, 59.45 - 1.00.20, 2009).

C'est pour cela, mes bien chers frères et mes bien chères soeurs, que vous pouvez encore croiser le profil de Bachir quand vous vous promenez dans certains quartiers, et que nous autres, étudiants à l'USJ, pouvons la voir dans un des halls de notre fac.

Avec la montée de la mainmise syrienne dans les dernières années de guerre et pendant les débuts de la Deuxième République mise en place à partir de 1990, les FL sont peu à peu mises à l'écart. Elles déposent les armes conformément aux accord de Taëf de 1990, et perdent encore de l'influence, jusqu'à leur interdiction en 1994 par un gouvernement fortement inspiré par la Syrie. L'un des leaders de ce mouvement et son actuel président, Samir Geagea, fut quant à lui emprisonné du fait de son opposition à la domination syrienne.
Puis, comme vous l'avez lu précédemment dans ce blog, mes bien bonnes ouailles, en 2005, c'est la Révolution du Cèdre et Samir Geagea est libéré. Les FL se reforment, cette fois-ci en parti politique indépendant et plus en tant que milice (même si d'aucuns prétendent qu'il reste encore des fusils cachés dans les caves, en ce qui me concerne, je ne suis pas allé vérifier). Elles rejoignent la coalition politique du 14 mars, alors définie par son opposition à la présence syrienne, et font partie de ses principaux membres avec le Courant du Futur, les Kataëb, le PNL et le PSP.

Aujourd'hui, les FL font toujours partie du 14 mars, et militent pour le maintien du TSL. Elles restent un des principaux "partis chrétiens" et leur leader, Samir Geagea, l'une des deux principales figures maronites du Liban. "

L'étudiant redescendit de sa borne, constatant qu'encore une fois, personne n'en avait rien eu à faire de ce qu'il avait raconté. Il se rasséréna en se disant qu'Internet était vaste, surtout en cette heure de pointe. Il se remit en route, pensant à sa prochaine FAQ. Serait-elle grande ? Mais ceci est une autre histoire....

PS : Je n'ai pas parlé du programme des FL dans cet article pour deux raisons : d'abord celui-ci est difficilement accessible, et ensuite il a considérablement varié. Si je trouve des tendances, je les ajouterai.

En photo : Le drapeau des FL et "Bachir Gemayel est partout", dans Valse avec Bachir

dimanche 13 mars 2011

Hezb ? Hola !

C'est un mouvement qui fait peur. Quand on prononce son nom, les enfants pleurent, les femmes hurlent et les hommes vont placer leurs économies sur un livret A à 4% pour faire face aux inattendus de la vie. Je veux évidemment parler du Hezbollah.

Origine :

Le Hezbollah est un parti de la famille des "movamentius politicaes" qui naît en 1982 au Liban, d'un père Amal et d'une mère Amal aussi, mais plus islamique. La naissance du Hezbollah aurait été facilitée par l'arrivée à la maturité de la révolution iranienne de 1979, avec laquelle le Hezbollah entretint et entretient encore des liens de camaraderie.

De 1982 à 1990, le Hezbollah connaît une croissance considérable, jusqu'à devenir la première milice et le premier parti politique à majorité chiite au Liban. A partir de la mort de l'ayatollah Khomeyni en 1989, le Hezbollah s'éloigne de la doctrine du "velayat el faqi" (théorie politique de Khomeyni) et prend une indépendance doctrinale vis à vis du régime iranien.

Entre 1990 et 2000 le Hezbollah se focalise sur sa résistance à l'occupation du sud-Liban par Israël. En effet, la naissance du mouvement avait été fortement marquée par cette volonté de résister à l'occupation israélienne, qui reste la ligne directrice intangible du "parti de Dieu" depuis sa naissance. Après la retraite israélienne du sud-Liban, le Hezbollah continuera à se définir comme résistant en raison de la controverse des hameaux de Chebaa (que le Hezbollah considère comme une partie du territoire libanais à libérer), puis de l'invasion israélienne de 2006.

Après l'assassinat de Rafic Hariri en 2005 et la "Révolution du Cèdre" qui s'ensuit, le Hezbollah, pro-syrien, est mis en minorité et se retrouve dans le bloc politique du "8 mars", avec Amal puis le CPL de Michel Aoun (parti majoritairement maronite et principal allié du Hezbollah). Par la suite, avec la création et le début des travaux du TSL, le Hezbollah fait avec la Syrie l'objet de suspicions et dénonce le tribunal spécial, qu'il considère comme illégitime, coûteux et politisé.

A noter que depuis la crise politique de 2011, le Hezbollah fait partie de la coalition majoritaire, et qu'il est le principal soutient du premier ministre actuel, Najib Mikati.

Mode de vie :

Le Hezbollah vit principalement au Liban, dont le climat sympathique et la situation politique forment un milieu de vie qu'il apprécie. Le Hezbollah est majoritairement constitué de musulmans chiites duodécimains, mais n'est pas un parti exclusif.

Le Hezbollah dispose, à l'instar de plusieurs partis politiques importants au Liban nés dans la période de la guerre, d'une branche armée développée, considérée comme la première milice du Liban. A noter qu'un débat politique fait rage au Liban, autour du désarmement du Hezbollah, souvent considéré comme un "Etat dans l'Etat". Si d'aucuns sont d'avis qu'il faut désarmer cette force qui risque de se retourner contre les libanais, d'autres affirment que le Hezbollah est la seule raison de l'absence d'invasion israélienne au Liban et sont favorables au fait de le laisser défendre le pays.

Le Hezbollah est principalement nourri la pensée de Muhammad Hussein Fadlallah, décédé en 2010 et l'une des principales autorités chiites du pays, réputé moins extrême que ses co-ayatollas iraniens, et du charisme de son leader principal, Hassan Nasrallah. Les apports financiers divers, internes (apports de la communauté chiite du Liban) ou externes (soutiens financiers connus venant d'Iran et de Syrie), sont aussi une source d'énergie apprécie par le Hezbollah.

Le Hezbollah s'accommode mal du climat nord-américain, particulièrement états-unien, où il est considéré comme terroriste.

Questions diverses :

- Que dois-je faire en présence d'un Hezbollah ?
Tout d'abord, vous ne devez pas paniquer, faute de faire une erreur de jugement massive. Si son nom peut faire peur, il ne faut pas oublier que tous les partis politiques majeurs ont une forte teinte confessionnelle et religieuse au Liban.
En présence d'un Hezbollah, vous risquez à une rhétorique de la résistance et du martyr qui peut rebuter par son excès. Toutefois, contrairement à ce que certains spécialistes télévisés de M6, le Hezbollah ne fait pas l'apologie des kamikazes (personne qui tue plusieurs personnes en se suicidant pour sa cause), mais celle des martyrs (personne qui se sacrifie pour sa cause).

- Un Hezbollah s'est installé dans mon Liban, dois-je craindre une révolution islamique semblable à celle d'Iran ?
Sans être un spécialiste, on peut réunir divers éléments de réponse à cette question en faisant appel à la prose de Daniel Meier dans son désormais ici célèbre Idées reçues : le Liban.
Après la mort de l'ayatollah Khomeyni en 1989 et la fin de la guerre civile en 1990, et du fait de ses accointances avec le régime syrien, le Hezbollah a dû céder sur l'un de ses points de politique principaux : l'établissement d'une république islamique à l'iranienne.
Toutefois, il continue d'exister un lien entre le Hezbollah et Téhéran. Il est d'abord financier, puis doctrinal sur certains points ou grandes lignes. Toutefois, le Hezbollah s'étant intégré au pouvoir depuis 2005, il est relativement raisonnable de ne pas le voir comme un parti favorable à une république islamique.

- Mon Hezbollah refuse de rendre les armes, est-il terroriste ?
Là encore, le refus de rendre les armes par le Hezbollah s'explique par plusieurs phénomènes.
D'abord, les libanais ont probablement été marqués par la campagne israélienne de 2006, où le Hezbollah avait été seul pour retenir l'invasion israélienne (qui par ailleurs le visait). Ainsi, une crainte peut subsister selon un raisonnement simple : si le Hezbollah rendait les armes, alors nous serions sans défenses face à Israël.
Pour la question du terrorisme, il faut être critique. D'abord parce que le terme "terroriste" est, souvent, le revers de la médaille résistante. De plus, si un mouvement comme Al Qaeda ou comme les Brigades Rouges en leur temps peut être qualifié de terroriste, le Hezbollah n'agit pas uniquement dans un contexte de lutte armée. Il est également présent au Parlement, et a une action sociale importante (comme d'autres partis dont le Courant du Futur, par exemple). La terminologie "terroriste" est donc réductrice.

- Mon Hezbollah ronronne quand je le caresse, est-il malade ?
Non. En revanche il est probable que votre Hezbollah soit un chat, ce qui est absurde attendu qu'à l'origine, l'idéologie qui a mené à sa constitution était contre le Shah. Vous vous êtes donc trompé d'article.









Image 1 : Le drapeau du Hezbollah et sa fameuse planète.
Image 2 : Si vous voyez ceci, c'est que vous n'êtes pas face à un Hezbollah.

Comment en est-on arrivés là ? Partie 2 (2005 - 2011)

Après l'assassinat de Rafic Hariri et celui de plusieurs personnalités notoirement anti-syriennes, hommes politiques comme intellectuels (comme ce fut le cas du journaliste Samir Kassir), le mouvement – alors d'opposition – du « 14 mars » se structura autour de plusieurs partis politiques (le Courant du Futur de Hariri, les Forces Libanaises et les Kataëb, le Parti Socialiste Progressiste de Walid Joumblatt, entre autres) et de la manifestation de protestation organisée un mois après la mort du leader sunnite. Cette manifestation fut le temps le plus fort de ce que les journalistes se mirent rapidement à appeler la Révolution du Cèdre, et faisait office de réponse à une autre manifestation, de soutien à la présence syrienne quant à elle, organisée le 8 mars 2005 à l'initiative du Hezbollah essentiellement.


La popularité au niveau international de la Révolution du Cèdre tient également de la conjoncture internationale du moment : la Syrie faisant officiellement partie de « l'axe du Mal » défini par le président Bush junior, s'y opposer garantissait la sympathie de la majorité des occidentaux. De plus, comme l'explique Michael Young dans The ghosts of Martyrs Square, une révolution démocratisante au Liban servait la doctrine américaine en lui offrant un exemple concret de la réussite de son projet de démocratisation par la force du Moyen Orient (même si la révolution du Cèdre n'avait que peu de liens avec les actions américaines dans la zone, précise Young, si ce n'est que la Syrie avait été affaiblie et était menacée militairement).

La réussite de la Révolution du Cèdre et le départ des troupes syriennes du pays marquaient pour le Liban une nouvelle période, marquée par l'enterrement de Rafic Hariri. En effet, à la demande de la nouvelle majorité (le pouvoir étant passé aux mains de la coalition du 14 mars à l'occasion des élections de juin 2005), est lancée sous l'égide des Nations Unies la création du Tribunal Spécial pour le Liban, qui agite désormais la scène politique libanaise. Ce tribunal a une particularité en ce qu'il est le premier tribunal pénal international à juger des crimes terroristes.

A cette situation nouvelle s'ajoute un événement important quant à la place que tient le Hezbollah dans la scène politique libanaise. Le Hezbollah s'est créé en 1982 d'une scission avec le parti politique / milice Amal (regroupant essentiellement des musulmans chiites sans avoir a priori d'ambitions communautaires). Il s'est structuré autour d'un point prépondérant dans son action politique : la résistance à l'occupation israélienne au Sud-Liban. Même après le départ des troupes israéliennes en 2000, le Hezbollah se focalisa sur la question des hameaux de Chebaa, point géographique revendiqué par Israël mais considéré comme libanais par le Hezbollah, pour continuer sa lutte. Or, le Hezbollah avait été enjoint par la résolution 1559 de désarmer et se trouvait dans une situation compliquée après la victoire du 14 mars en 2005. L'invasion israélienne de 2006, prétextant l'enlèvement de deux soldats et visant à détruire la milice redonnerait à celle-ci un blason avantageux. En effet, les miliciens du Hezbollah réussirent à repousser les troupes israéliennes, dont l'objectif variait avec le temps : « Lors de l'opération terrestre et face à l'âpreté des combats qui empêchèrent l'armée israélienne de progresser au delà de Bint Jbeil, les stratèges se ravisèrent et (…) déclarèrent qu'il s'agissait dès lors d'affaiblir (et non plus d'éradiquer) le Hezbollah » (Daniel Meier).

De cet affrontement, le Hezbollah sortit avec une image de protecteur du pays : là où l'armée libanaise avait échoué à repousser les troupes du « voisin du Sud », il réussissait. A l'occasion de discussions avec des libanais, on peut occasionnellement entendre ce raisonnement : « Je suis pour le désarmement des milices, mais si le Hezbollah désarme, le Liban est foutu ».


La montée en puissance du Hezbollah fut marquée par un autre point nodal qu'est le « coup de force » de 2008. Le gouvernement ayant tenté de couper ses réseaux de communication, le « parti de Dieu » répondit en prenant les armes et la capitale sans cependant faire de coup d'Etat (alors qu'il en aurait été capable). Le message peut être interprété comme suit : on vous protège, mais laissez-nous faire les choses à notre manière.

Bien qu'il n'y a pas de renversement du régime, le gouvernement tombe tout de même, les ministres du 8 mars démissionnant, et le pays entre dans une crise gouvernementale. Cette crise se résout par l'entente de Doha organisée par l'Etat du Qatar. Cette entente renouvelle le Pacte National sur lequel est basé le système libanais en proposant un gouvernement d'union nationale et en entérinant l'existence d'une « minorité de blocage » permettant à la minorité de renverser un gouvernement en cas de crise politique majeure.

Cette minorité est alors celle de la coalition du 8 mars composée principalement du Hezbollah, de Amal et du Courant Patriotique Libre, mouvement du général Aoun, principalement maronite et rejeté par la coalition du 14 mars. Les deux coalitions ne sont alors plus définies par leurs relations avec la Syrie mais par leur point de vue sur le TSL, le 14 mars militant pour le maintien du Tribunal, le 8 mars le considérant comme politisé et illégitime. C'est sur ce point précis que la rupture de 2011 a eu lieu. En effet, l'échéance de la publication de l'acte d'accusation approchant, les ministres du 8 mars, rejointes par ceux du PSP de Joumblatt, ont mis en pratique la possibilité d'exercer une minorité de blocage définie au moment de l'entente de Doha.


C'est ce qui nous conduit à la situation actuelle, très schématiquement. La chute du gouvernement de Saad Hariri a conduit à la sélection par le président de la République du candidat soutenu par la coalition du 8 mars, M. Mikati, qui se présente comme un premier ministre consensuel malgré ses anciennes accointances syriennes. Les enjeux sont nombreux et il ne faut pas penser que l'entièreté de la vie politique libanaise se centre sur des questions d'équilibres communautaires ou sur la question du TSL. Parallèlement, les manifestations dans le monde arabe peuvent peut être donner des idées au peuple libanais, qui jusqu'ici était le pays arabe « le plus démocratique » sans pour autant connaître un régime purement démocratique en raison du confessionnalisme et du système notabiliaire (qui d'un point de vue théorique n'est pas démocratique puisque les choix y sont largement prédéterminés). Ainsi, plusieurs manifestations contre le système soncociatif ont eu lieu depuis un mois, posant une question récurrente dans le pays à ses élites.

Comme le résume une caricature en circulation sur Facebook depuis quelques jours : « Si tous les Etats arabes deviennent des démocraties, on aura l'air bien con ».


PS : Je remercie de nouveau les personnes qui m'ont expliqué tout ce fatras, je m'excuse pour le délai entre cette partie et la première.

PS2 : N'oubliez pas que cet article n'est pas exhaustif et ne doit pas être pris comme parole d'évangile.

dimanche 23 janvier 2011

Comment en était-on arrivés là ? (Partie 1 : 1976-2005)


« Qu'est-ce qu'il se passe ? On n'y comprend rien. Fais attention à toi ». Je ne suis probablement pas le seul entendre ces trois phrases ces temps-ci. La chute du gouvernement de Saad Hariri et la transmission de l'acte d'accusation du TSL ont tendu la scène politique libanaise (et je souligne ce point, je ne parle pas des relations sociales ou de l'atmosphère générale). C'est une crise politique et gouvernementale dans laquelle chacun des acteurs se place pour jouer ses coups, de façon relativement classique. Aux ultimatums de l'opposition ont succédé les ultimatums de la majorité (même si ces deux termes n'ont pas un grand sens), et les pièces sont en place. Et la seule question que je me pose vraiment, ce n'est pas « Y aura t-il la guerre ? » ou « Vais-je passer les vacances de février dans un bateau de l'armée française ? » mais la question beaucoup moins prospective, et bien plus naïve que ceux qui ne connaissent pas l'histoire et le champ politique libanais peuvent se poser dans ce grand foutoir politique : Comment en est-on arrivés là ?

Je sais, et vous aussi probablement, que le Liban est un régime dit de « démocratie confessionnelle » dont j'ai décrit les grandes lignes dans un article, je sais quelles sont les communautés, et je sais vaguement les différencier. Je sais plus ou moins quelles sont les forces politiques en présence, et je sais plus ou moins ce qu'elles demandent. Il me manque deux choses : des faits et une histoire. Sur les faits, on s'accorde, mais un
e histoire est toujours subjective et biaisée. Pire : comment savoir quels faits sont cachés, tabous ? Comment savoir quelle causalité lie ces faits ? Je pourrais faire une recherche exhaustive dans une bibliothèque, en recoupant des dates, mais ce travail me demanderait plusieurs mois. J'ai donc décidé de faire plus simple, et de demander à une personne de me raconter cette histoire, de me la livrer en me donnant des faits, et en faisant une chronologie aussi claire que possible, avec un maximum de données, et de me baser sur ces données pour approfondir. Le résultat sera bien sûr moins objectif, mais il sera plus clair. Voici donc, pour ceux qui me demandent de leur expliquer ce que c'est que ce bordel, un exposé de ce qui nous a menés jusqu'ici.

Le problème, pour appréhender ce dont on parle quand on regarde la situation actuelle, c'est que les phénomènes et les groupes en cours sont liés à des évènements qui n'apparaissent pas centraux au premier abord. Cependant, je me suis aperçu que quand je voulais savoir ce qu'étaient le 8 et le 14 mars, pourquoi le Hezbollah a gagné de l'importance ou pourquoi la Syrie a été présente au Liban, il fallait remonter plus haut dans le temps. Ce premier article parlera donc de ce qui a conduit à l'évènement fondateur de la politique libanaise dans la décennie 2000, c'est à dire à la Révolution du Cèdre.

L'histoire commence en 1976, soit un an après le début de la guerre du Liban qui oppose, de façon très schématique, les forces musulmanes, pro-palestiniennes, plutôt de gauche et les forces chrétiennes, plutôt anti-palestiniennes et de droite. Cependant, ces blocs, s'ils s'engagent dans un conflit de communautés, ne sont pas uniquement des blocs communautaires. La guerre du Liban n'est pas, si l'on en croit Daniel Meier dans son ouvrage « Idées reçues : le Liban », strictement une guerre de religions : « ils [les deux blocs] s'opposaient sur la définition même du Liban, son identité, son projet de société ». Les forces du Mouvement National Libanais (groupe « musulman ») étaient ainsi motivées par des idées largement inspirées du socialisme, quand les forces du Front libanais (groupe « chrétien ») étaient plus conservatrices sur le régime libanais. Je ne reviens pas sur les causes de la guerre et sur son déroulement, toujours est-il qu'en 1976, motivées essentiellement par un souhait de stabilité et pour s'opposer (à ce moment là) au MNL, les troupes syriennes envahissent et occupent une partie du Liban. Par la suite les évènements feront se repositionner la Syrie vis à vis des deux blocs, et elle se rapprochera à l'inverse des forces progressistes (toujours d'après D. Meier). Cette invasion est importante, on le verra, pour la suite des évènements, et peut même être considérée comme le « premier domino » qui conduira à la mort en février 2005 de Rafic Hariri.

Or, la personne de Hariri, et sa situation dans les divers « coups » qui se jouent alors et se jouent encore est centrale. Pour comprendre le personnage, il faut (paraît-il) remonter à 1983 et à la conférence de Lausanne qui vise à rétablir la paix au Liban. A cette conférence, et bien qu'il y ait une délégation libanaise, Hariri siège parmi les envoyés saoudiens. Hariri est alors moins un homme politique qu'un entrepreneur spécialisé dans le bâtiment, de basse extraction et qui construit sa fortune en Arabie Saoudite. Après l'accord de Taëf défendu par la Syrie, accord qui entérine la présence syrienne et exige une réforme constitutionnelle, Hariri fait partie des hommes politiques soutenus par la Syrie. Il se lance dans le projet qui le rendra célèbre : reconstruire Beyrouth. Cependant (toujours si l'on en croit Meier), « le but de l'opération était clairement le gain immobilier ». La reconstruction du centre-ville comme celle de l'aéroport apporteront ainsi de nombreux gains à Hariri à travers sa société Solidere. De plus, l'endettement de l'Etat libanais auprès de banques privées dont le leader est actionnaire contribue à faire passer Hariri aux yeux des deux amis qui me racontent l'histoire pour un homme ayant vu dans les fonctions politiques qui lui incombent sur l'impulsion de la Syrie un bon moyen de faire des affaires. Pour Meier, son action est guidée « par un esprit entrepreneurial et élitaire », en guidant des projets de riches au détriment d'autres actions (Meier site les actions envisagées en matière d'assainissement des eaux ou de transports en commun, abandonnés au profit de la reconstruction du centre-ville.

Si la Syrie était un allié acceptable pour les hommes proches de l'Arabie Saoudite (et au travers d'elle, des Etats-Unis) depuis 1991 (la Syrie et les Etats-Unis ayant passé un accord que mes amis me résument comme consistant en « Nous faisons ce que nous voulons en Irak, et vous gagnez le Liban »), la situation change en 2001. En effet, la Syrie fait officiellement après le 11 septembre partie des Etats membres de « l'axe du Mal » américain. Le basculement définitif de Hariri peut à peu près être daté de la réunion de l'hôtel Bristol, en 2004, qui a vu naître ce qui allait par la suite devenir le mouvement du 14 mars, rassemblant alors des leaders politiques chrétiens (issus du rassemblement chrétien anti-syrien de Kornet Chekhwan fondé dès 2001), druzes (dans la personne de Walid Joumblatt, chef du Parti Socialiste Progressiste) et sunnites (autour de Hariri). Cependant, il s'était éloigné de la Syrie avant de passer de façon ouverte à l'opposition, en s'opposant par exemple à la reconduite du président de la République Emile Lahoud et en manifestant cette opposition en quittant son poste de Premier Ministre.

L'apparition d'une telle opposition anti-syrienne avait été facilitée d'une part par l'entrée de la Syrie dans la liste de « l'axe du Mal » mais également par deux autres évènements (selon Meier, encore). D'une part, l'arrivée de Bachar el-Assad au poste de président syrien à la mort de son père. En 2000, « [la fin de l'ère Hafez el-Assad et l'avènement de son fils] déclenchèrent un vent d'espoir qui irradia jusqu'au Liban ». Tout comme à la succession au Maroc du roi Hassan II par son fils Muhammad VI, le fils al-Assad apparaît comme un dirigeant libéral vis-à-vis de la politique de son père (ce que m'expliquait un syrien à Damas). Le Printemps de Damas, tout comme sa fin face à l'emballement des mouvements de défiance, contribuèrent à la naissance et à l'organisation du mouvement anti-syrien. D'autre part, du fait de la disgrâce syrienne auprès des Etats-Unis, le Conseil de Sécurité des Nations Unies adopte en 2004 la résolution 1559, laquelle exprime clairement le point de vue de la communauté internationale sur la présence syrienne au Liban. Le Conseil de Sécurité :

  1. « Demande à nouveau que soient strictement respectées la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance politique du Liban, placé sous l’autorité exclusive du Gouvernement libanais s’exerçant sur l’ensemble du territoire libanais ;
  2. Demande instamment à toutes les forces étrangères qui y sont encore de se retirer du Liban ;
  3. Demande que toutes les milices libanaises et non libanaises soient dissoutes et désarmées ;

  4. Soutient l’extension du contrôle exercé par le Gouvernement libanais à l’ensemble du territoire du pays ;

  5. Se déclare favorable à ce que les prochaines élections présidentielles au Liban se déroulent selon un processus électoral libre et régulier, conformément à des règles constitutionnelles libanaises élaborées en dehors de toute interférence ou influence étrangère ; »

Le message est clair : pour l'ONU, la Syrie doit partir, et les milices doivent être désarmées (y compris le Hezbollah, première milice concernée et dont le rôle sera important dans les blocs qui se formeront après la mort de Hariri).

La scène est donc plantée, et a posteriori on peut facilement se dire qu'il ne manquait probablement qu'un événement pour que la crise advienne. Cet événement sera, évidemment l'assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005, qui provoquera la deuxième partie de l'histoire. Sa mort, la première d'une série d'assassinats (pour l'essentiel de personnalité anti-syriennes) conduit à deux évènements : la Révolution du Cèdre qui a vu se former les deux blocs du 8 et du 14 mars et partir les troupes syriennes, et la création du Tribunal Spécial pour le Liban. Ce sont ces deux phénomènes qui nous conduisent à la crise de 2011.

(Ce que vous verrez dans le prochain article)


Pour écrire cet article, je me suis basé largement sur la discussion que j'ai eue avec Y.AM. et R.C., que je remercie beaucoup d'avoir pris sur leur temps pour m'aider à comprendre. J'ai aussi utilisé le livre de Daniel Meier, "Idées reçues : le Liban".
Comme à chaque fois, cet article n'est pas un article scientifique, et je ne suis pas un expert. Merci de me signaler mes erreurs ou mes oublis.
Enfin, je précise que je ne sais pas qui a assassiné Hariri, il y a un tribunal pour ça.

jeudi 30 décembre 2010

Bye Bye Babylone

imagerepository.ashx.jpg On ne parle pas de la guerre du Liban. Déjà parce que c'est une histoire compliquée et que le public n'aime pas ce qui est compliqué. On aime les histoires avec un gentil gentil, glabre, beau et démocrate, et un méchant méchant, barbu, laid et tyrannique. Quand ça va plus loin que ça, on parle de politiquement correct et on réduit. On n'en parle pas, également, parce qu'il n'y a pas une histoire de la guerre du Liban. L'Histoire majuscule n'a pas été fixée, elle est encore en débats entre les belligérants. L'Histoire majuscule, ce n'est pas la vérité (au mieux une Vérité tout aussi majuscule), c'est la mémoire imposée, celle dans laquelle le gentil est beau et démocrate et le méchant laid et tyrannique.

Le livre de Lamia Ziadé ne vise pas à établir ce genre d'Histoire.

Cet ouvrage présente plusieurs avantages majeurs : il mesure 25,5 cm de haut pour 14,8 cm de large et 2,8 cm d'épaisseur. Sa couverture est en velin cartonné, ce qui rend sa tenue particulièrement agréable. Il pèse un poids suffisamment lourd sans pour autant provoquer de crampes après une heure de lecture. Ses pages sont agencées de manière extrêmement astucieuse de façon à ce que la première page qu'on lit soit également la première page du livre, et ainsi de suite jusqu'à la dernière. Sa lecture est donc extrêmement intuitive. Le livre est ponctué d'assez belles illustrations en aquarelle, qui permettent de rajouter des images sur les termes employés par l'auteure. Et le tout pour seulement 25 euros, c'est à dire seulement la moitié de la valeur de l'application "Papier toilette" sur IPhone (celle qui permet de dérouler un petit rouleau de papier toilette sur son écran). C'est dire si on ne se fout pas de votre gueule, ma bonne dame.

L'auteure jette dans son livre, presque de façon aléatoire, la guerre telle qu'elle l'a vécue. On trouve, certes, dans ses pages, de grands noms, mais qui semblent lointains, à l'image des abstractions à prétention humaine qu'ils désignent. C'est une petite histoire de la guerre du Liban, de 1975 à 1979 (parce que c'était trop dur d'écrire à partir de 80). Cette petite histoire nous désigne d'un même ton les bombardements, les assassinats, les massacres et les bonbons achetés à Spinney's. Ce n'est ni une leçon de morale, ni une leçon de mémoire. Ce n'est qu'un témoignage qu'on reçoit gratuitement, et qui ne cherche pas à trouver un gentil ou un méchant, dans une guerre où chaque combattant, chaque civil, est à la fois bourreau et victime. Ce n'est certainement pas un livre pour ceux qui cherchent à comprendre, ou pour ceux qui voudraient expliquer, mais un beau livre pour ceux qui cherchent à savoir.

C'est vraiment du bon boulot, madame Ziadé.

Milaad Majid (paraît que c'est comme ça qu'on dit)

Je vous souhaite à tous de bonnes fêtes de fin d'année, Noël et toutes les autres célébrations qui arrivent en ces temps neigeux, de goutte au nez et de bas en chaude toile. J'espère que vos régimes fondront et que le gras vous submergera tous comme cela doit être.

Trève de plaisanterie, vous avez été extrêmement nombreux à visiter mon blog depuis sa création (en moyenne 500 par mois, ce qui est énorme). Je vous remercie de votre intérêt. Je constate qu'un certain nombre d'entre vous vient de Google, ce qui est encore plus flatteur. Je constate aussi qu'une bonne partie a recherché dans google : "Si vous avez compris le Liban, c'est qu'on vous l'a mal expliqué", ce qui pourrait devenir la devise de ce blog.

En bref, merci beaucoup à vous. Si jamais vous voulez que j'écrive sur un sujet en particulier ou que je mette en ligne un article écrit par vos soins, n'hésitez pas à me le proposer.

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Complexité palestinienne

Le Liban est, parmi les pays arabes, celui qui a accueilli après la Nakba le plus grand nombre de réfugiés palestiniens. C'est également probablement le pays arabe le moins propice à une immigration massive (tout court) de palestiniens (en particulier). Je me suis demandé pourquoi les libanais refusaient la naturalisation à tous ces réfugiés, dont on sait que le retour en Palestine serait difficile voire impossible (je ne cherche pas à dire ce qui serait souhaitable, rappelez-vous que je ne fais que mettre en lumière certains points à partir des maigres connaissances qui sont les miennes).

Le système politique au Liban est, vous vous en souvenez, basé sur le système communautaire. Ce système a l'avantage d'être efficace en cas d'équilibre entre les communautés, ce qui permet d'éviter une domination totale d'une d'entre elles, comme c'est le cas dans d'autres pays arabes. Depuis les accords de Taëf, on considère que les chrétiens et les musulmans sont à peu près présents à égalité dans le pays, mais aucune des communautés officielles ne détient de majorité absolue (ce qui peut provoquer des lenteurs, mais c'est le prix de la démocratie).

Imaginons maintenant que les réfugiés palestiniens obtiennent la nationalité libanaise, ou le droit de vote. Ces réfugiés sont à 90% sunnites, d'une part, et extrêmement nombreux d'autre part (ils sont estimés à 400 000 en tout, pour une population libanaise de 4 millions à peu près). L'arrivée massive de sunnites provoquerait donc un déséquilibre du système au profit d'une des communautés qui deviendrait dès lors majoritaire au Liban (alors que jusque là le principe était qu'il n'y avait que des minorités au Liban). Dans un pays comme la France, l'existence d'une communauté majoritaire ne poserait en fait pas tellement de problèmes. En effet, le champ politique y est structuré en termes de familles toutes plus ou moins areligieuses (si l'on fait l'exception de certains partis comme les chrétiens démocrates ou des mouvements d'extrême-droite). Mais au Liban, les partis sont confessionels. On peut le regretter ou s'en réjouir, mais c'est un fait. L'exemple de partis à vocation non-confessionelle comme le Parti Socialiste Progressiste de monsieur Kamal Joumblatt ou le mouvement Amal de Moussa Sader seraient des exemples de cette "prédestination" des mouvements politiques au Liban. En effet, chacun de ces partis fut créé sans ambitions communautaires, voire contre le communautarisme, mais est devenu le porte parole d'une communauté (druze pour le PSPS, chiite pour Amal).

Dès lors, une politique nationale au Liban n'est envisageable dans le système actuel que si les confessions sont toutes des minorités (il en serait de même si les maronites, les druzes ou les chiites devenaient majoritaires, il n'y a pas lieu ici de juger d'une soi-disant volonté hégémonique des sunnites).

D'autre part, il ne faut pas sous-estimer le poids de l'Histoire. La guerre civile libanaise de 1975 a eu lieu pour de multiples raisons, et la question palestinienne n'est pas la moindre de ces raisons. La place des résistants palestiniens au Liban (que certains considéraient comme une base arrière pour leur guerre contre l'Etat juif) et les libertés qui leur ont été laissées par certaines factions au Liban (à travers l'accord du Caire, par exemple) ont été de grosses sources de tensions qui ont conduit à la guerre civile (qui peut, de façon extrêmement schématique, être vue comme une guerre entre pro-palestiniens et nti-palestiniens, au Liban s'entend). Si des morts ont eu lieu dans les deux camps (dont le deuil est loin d'être fait), on peut comprendre que les militants de l'ancien bloc anti-palestiniens soient plus que froids à l'idée de faire des palestiniens leurs compatriotes.

Du côté palestinien (les propos à venir doivent être pris avec précaution, étant donné que je ne prétends pas connaître la volonté des palestiniens), le principe du droit au retour comme "mythe fondateur" garde un poids certain. En effet, si j'en crois ce que l'on m'en a raconté, on croise encore des palestiniens ayant vécu la Nakba et qui gardent autour de leur cou la clé de leur ancienne maison, pour ne pas la perdre quand le retour viendra. Si l'on prend les palestiniens comme un bloc homogène, on peut se demander s'ils souhaitent recevoir la nationalité du pays d'accueil. De plus, accepter la sédentarisation des palestiniens dans quelque pays arabe que ce soit est une légitimation de fait de l'exil intolérable auquel les palestiniens ont été forcés de se soumettre en 1948 et 1961, et d'une certaine vision expansioniste et colonisatrice du sionisme. En bref, légaliser les exils d'hier serait légaliser aussi ceux de demain.

Qu'en est-il des droits économiques ? On pourrait se dire que les palestiniens peuvent au moins avoir le droit de travailler au Liban, même s'ils n'y ont pas de droits politiques. Mais on se heurte à deux problèmes, l'un légal et l'autre économique. Le premier écueil est le principe au Liban qui veut qu'on n'accorde de permis de travail aux étrangers que si leur Etat d'origine accepte d'accorder de tels permis aux libanais (amis juristes, ne m'insultez pas trop, je ne fais que répéter bêtement ce que l'on m'a dit). Attendu qu'il n'y a pas d'Etat palestinien, un tel accord ne peut être passé. Le second écueil est plus concret : il ne faut pas oublier que l'ensemble des réfugiés palestiniens au Liban représente près de 10% de la population libanaise. Même en enlevant les inactifs, on obtient un pourcentage conséquent. Intégrer des travailleurs prêts à accepter de plus bas salaires en grand nombre au marché du travail serait (si l'on en croit les théories classiques) dévastateur pour la situation économique des libanais dans leur ensemble : baisse des salaires, dégradation des conditions de travail, montée du chômage.

Il n'est pas évident, quand on est un européen assez candide, de découvrir que le malheur d'un peuple peut être la condition de l'équilibre d'un autre. Cette situation est évidemment injuste, mais il serait tout aussi injuste de faire payer aux libanais la politique d'un Etat dont ils ne sont pas responsables et contre lequel ils sont toujours en guerre. pour reprendre l'analogie donnée par un camarade de fac : supposez que la Suisse sont envahie par l'Italie et que tous ses habitants en soient chassés pour venir s'installer en France, seriez-vous prêts à accepter de les intégrer à la population française, cautionnant ainsi une politique injuste d'expulsion et la dégradation des conditions économiques en France ? Plus concrètement, quand la Turquie a demandé à entrer dans l'Europe, les européens ont majoritairement exprimé leur désaccord, par peur des conséquences économiques et de l'arrivée en Europe d'une population d'une autre religion (théorie du "club chrétien"), et les français, peuple autoproclamé garant universel de la lahissithé et des drouadlom, ne se sont pas fait prier pour s'y opposer durement !

Avouez que c'est dur de donner des leçons d'humanisme à un autre pays quand on fait soi-même la chose qu'on lui reproche....

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PS : Encore une fois cet article est incomplet et partiel. Je n'ai pas la prétention de savoir toutes les données du problème et je vous invite à me corriger ou à lancer le débat. Ce que je présente ici est un point de vue que je ne rejoins pas intégralement et qui m'a été exposé.

PPS : Je vous annonce la naissance d'un petit nouveau dans la famille, le blog d'Alexis, Des visages des couleurs, qui est ma foi d'une grande qualité et fort sympathique.

Ci-dessus : un noeud gordien